Une recherche menée par Marie-Loup Perrin met en lumière les effets d’eTwinning sur les compétences académiques des élèves français — et interroge son potentiel d’équité.

1. eTwinning à l’épreuve de la mesure : replacer l’innovation dans le champ de la performance scolaire 

Depuis près de vingt ans, eTwinning est reconnu comme l’un des dispositifs phares de la Commission européenne pour encourager la coopération et l’innovation pédagogiques entre établissements scolaires. Intégré au programme Erasmus+, il permet à des enseignants et à leurs classes de concevoir ensemble des projets collaboratifs à distance, sans mobilité physique. En France, sa mise en œuvre est confiée à Réseau Canopé, opérateur du ministère de l’Éducation nationale et Bureau d’assistance nationale (BAN) d’eTwinning. 

Mais malgré son succès — plus de 80 000 enseignants français inscrits sur la plateforme —, une question restait jusqu’ici sans réponse : eTwinning a-t-il un réel impact sur les apprentissages scolaires ? 

C’est à cette interrogation que Marie-Loup Perrin, étudiante en Master 2 Sciences de l’éducation, parcours Pilotage et évaluation des systèmes éducatifs (Université de Bourgogne Europe), a choisi de répondre dans un mémoire ambitieux, mené en partenariat avec Réseau Canopé. 

« Bien que de nombreuses études aient déjà montré la pertinence du dispositif au regard des objectifs qu’il porte, aucune n’avait cherché à mesurer son efficacité sur les compétences académiques des élèves français », souligne l’autrice. 

En s’inscrivant dans la logique d’évaluation par les résultats promue par les politiques publiques, cette recherche propose d’analyser non seulement la valeur éducative d’eTwinning, mais aussi sa contribution à la performance du système éducatif. Une approche novatrice, qui positionne eTwinning non plus seulement comme une expérience humaine et citoyenne, mais aussi comme un levier d’efficacité pédagogique. 

  

2. Une étude inédite : 500 élèves français passés au crible de la comparaison 

Pour la première fois, un échantillon de 500 élèves français — dont une moitié participant à des projets eTwinning et une moitié témoin — a été analysé selon plusieurs indicateurs : résultats scolaires avant et après le projet, motivation, engagement, collaboration et rapport à la matière. 

Les conclusions sont éclairantes : les élèves engagés dans un projet eTwinning progressent significativement dans la discipline concernée, qu’il s’agisse de langues vivantes, de sciences ou d’histoire-géographie. Autrement dit, eTwinning a un effet net sur la réussite scolaire, après contrôle des variables liées à l’efficacité de l’apprentissage ainsi que le niveau initial des élèves.  

« Un élève participant à eTwinning améliore ses performances scolaires dans la matière concernée par un projet », écrit Marie-Loup Perrin. 

Cette progression est particulièrement marquée chez les élèves déjà performants au départ, plus nombreux à s’impliquer dans des démarches collaboratives et à bénéficier de l’autonomie permise par la pédagogie de projet. 
L’étude montre un gain comparable chez les élèves les plus en difficulté, mais non significatif, en raison du manque de représentativité de ce profil dans l’échantillon et de leur moindre participation aux projets. Ce constat interroge directement l’un des principes fondateurs du dispositif : son ambition inclusive. 
   
Comment faire d’eTwinning un outil réellement au service de tous, y compris des publics les plus éloignés de la réussite scolaire ? 
Pour répondre à cette question, Marie-Loup Perrin a mobilisé une méthodologie rigoureuse : analyses statistiques, tests de corrélation et modélisation des effets bruts et ajustés. 

L’objectif : mesurer le « gain marginal » d’un élève eTwinneur par rapport à un élève non participant, en tenant compte de variables telles que la motivation, la collaboration entre pairs ou les pratiques pédagogiques de l’enseignant. 
Ces analyses permettent de distinguer ce qui relève de l’effet du dispositif et ce qui dépend des caractéristiques des enseignants eux-mêmes, souvent plus formés, innovants et collaboratifs. 

  

3. eTwinning, catalyseur de motivation et de collaboration 

Au-delà des résultats académiques, le mémoire explore un autre aspect essentiel : la motivation des élèves et la collaboration entre enseignants. 

Les projets eTwinning, fondés sur la co-construction et la créativité, favorisent un engagement actif des élèves, qui se sentent acteurs de leur apprentissage. Comme le rappelle l’autrice, « le dispositif cherche à dépasser la forme scolaire traditionnelle en repensant l’espace, l’organisation, la temporalité et les formes d’apprentissage ». 

Cette approche socio-constructiviste s’appuie sur les interactions, la communication interculturelle et la résolution collective de problèmes : autant de compétences clés du XXI siècle, au cœur du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. 

L’étude met également en évidence le rôle déterminant des enseignants eTwinneurs. Leurs pratiques s’inscrivent dans une logique d’apprentissage collaboratif et de formation continue, en cohérence avec les priorités européennes. 
En France, selon l’enquête TALIS (2018), seuls 3 à 33 % des enseignants déclarent participer à des pratiques ou à des formations collaboratives avec leurs homologues, une proportion nettement plus faible que celle observée chez leurs collègues européens. eTwinning vient combler ce manque en développant une culture du travail collectif, à la fois entre élèves et entre enseignants. 

« Les enseignants impliqués dans eTwinning sont des professionnels investis, désireux d’innover dans leurs pratiques », note l’autrice, citant les échanges menés avec formateurs et ambassadeurs. 

Ainsi, eTwinning se révèle être autant un vecteur de développement professionnel pour les enseignants qu’un levier d’apprentissage pour les élèves : il nourrit la curiosité, la créativité, la confiance en soi et l’ouverture à l’autre. 

  

4. Un dispositif à renforcer pour plus d’équité 

Les résultats de cette recherche invitent à poursuivre la réflexion sur l’équité éducative. Si eTwinning bénéficie particulièrement aux élèves déjà motivés ou performants, comment le rendre plus accessible et plus bénéfique aux élèves en difficulté ? 

Le mémoire propose plusieurs pistes concrètes : 

  • Mieux accompagner les enseignants des établissements REP et REP+ ; 

  • Renforcer la formation à la pédagogie de projet dans les parcours de formation initiale et continue ; 

  • Rendre plus visibles les critères d’inclusivité et d’évaluation dans les labels eTwinning ; 

  • Encourager une plus grande mixité des profils d’élèves dans les projets. 

  •  Intégrer eTwinning aux politiques éducatives, en veillant à ce que chaque élève participe à au moins un projet collaboratif au cours de sa scolarité au collège 

  • Mobiliser les chefs d’établissement afin qu’ils coordonnent et soutiennent le développement de projets collaboratifs au sein de leurs établissements ; 

  • Impliquer les IA-IPR dans la promotion du dispositif auprès des enseignants. 

 Ces recommandations résonnent pleinement avec les orientations nationales actuelles, notamment la réforme du Choc des savoirs, qui valorise la différenciation pédagogique et la coopération. 

Pour Réseau Canopé, opérateur du dispositif, cette étude constitue à la fois un outil d’analyse pour le pilotage du programme et une source d’inspiration pour la communauté eTwinneuse. Elle démontre que les projets eTwinning ne sont pas seulement des aventures humaines, mais aussi des moteurs mesurables de progrès scolaire. 

  

5. Une étude au service du terrain et de la communauté eTwinning

Marie-Loup Perrin tient à remercier chaleureusement les enseignants et chefs d’établissement qui ont permis la passation de l’enquête auprès des élèves. Menée en collaboration étroite avec le Bureau d’assistance nationale eTwinning France, cette recherche illustre la synergie entre la recherche universitaire et la pratique enseignante. Ce travail s’inscrit dans une véritable dynamique de recherche-action, fidèle à l’esprit d’eTwinning : apprendre, collaborer, partager. En évaluant objectivement les effets du dispositif, il contribue à renforcer sa légitimité et à nourrir la réflexion sur l’avenir de l’éducation en Europe. 

Le mémoire de Marie-Loup Perrin marque une étape importante : celle d’une évaluation scientifique du dispositif eTwinning au prisme des compétences scolaires. 
Il montre que la collaboration, la créativité et l’ouverture sur l’Europe ne s’opposent pas à la réussite académique — elles en sont, au contraire, des moteurs puissants. 
Mais il rappelle aussi que toute innovation pédagogique doit s’interroger sur son accessibilité : qui en bénéficie ? et comment l’ouvrir à tous ? 
Ces questionnements rejoignent les ambitions de l’Union européenne et du ministère de l’Éducation nationale : bâtir une école plus équitable, plus performante et plus humaine.  En définitive, cette étude pose les bases d’un dialogue fécond entre évaluation, innovation et inclusion, au service d’une éducation européenne tournée vers la réussite de chacun. 

 👉 Vous souhaitez lire ce mémoire? Il est accessible ici. 
👉 Retrouvez Marie-Loup Perrin sur LinkedIn  

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